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Tricher n'est pas courir

Concevoir une voiture de course oblige à se baser sur une règlementation destinée à équilibrer les forces en présence et canaliser l’esprit inventif des ingénieurs. Certains sont tentés d’exploiter les failles du règlement, ils lisent parfois entre les lignes et trouvent des solutions particulièrement ingénieuses pour imposer leur création. Mais de là à la tricherie…Il n’y a qu’un tout petit pas. Les cas commencent à apparaître à la fin des années 70 lorsque les intérêts financiers des sponsors et l’implication des grands constructeurs  pèsent sur la compétition. Rappel de quelques exemples notoires…

La Brabham BT46B « aspirateur  1978 » /  Effet de sol à élément mobile.

(Photo 1)

Lotus vient de révolutionner la Formule 1 en exploitant l’effet de sol procuré par deux pontons latéraux munis d’ailes d’avion inversées. Brabham s’inspire du système Chaparral  (CAN-AM 1970) et exploite cet effet de sol. Un énorme ventilateur entraîné par le moteur  fait le vide d’air  sous la voiture. Le gain en tenue de  route est conséquent. Lauda domine le Grand Prix de Suède  et l’emporte haut la main dès la première sortie de la voiture. Cet appendice grossier était voué à une exclusion rapide. Le règlement spécifie un dispositif fixe dynamique comme c’était le cas sur la Lotus 79.  Gordon Murray ne pouvait négliger ce « détail », il se défendit en affirmant que le ventilateur  n’avait  pour seul but que de refroidir le 12 cylindres Alfa Romeo mais personne n’était dupe! La monoplace est exclue dès la course suivante. Les pilotes en sont ravis car l’aspirateur projetait poussière et graviers sur les  voitures placées dans son sillage.    

Suspensions hydrauliques  de Brabham -Le double châssis de Lotus – 1981/ Déportance accrue par baisse de la garde au sol en course.

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Les jupes mobiles sont interdites fin 80 dans le but de réduire l’effet de sol qui augmente dangereusement les performances des F1. Une hauteur de caisse minimale est imposée. Une parade  est imaginée par Brabham (tiens-tiens !) qui installe un système de suspension hydraulique  qui baisse la garde au sol en course. Devant la domination de Brabham, plusieurs écuries installent un système de vérins actionnés en marche par le pilote.  La garde au sol  est abaissée en course puis rétablie à l’arrêt.

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Colin Chapman lui  conçoit un ingénieux système de double châssis sur la Lotus 88. Deux parties, un châssis fixe classique est surmonté d’un faux châssis-carrosserie optimisant l’effet de sol  lorsque la pression aérodynamique abaisse ce dernier sur la piste, permettant aux tampons de pontons de racler le sol. A l’arrêt la cote de hauteur est respectée tandis que la valeur diminue avec la vitesse une fois la voiture en mouvement. Une autre parade à l’interdiction des jupes mobiles essentielles pour maintenir l’étanchéité sous la coque afin d’optimiser le principe de déportance.  Ces systèmes vont bien sûr à l’encontre de l’esprit du règlement.  

La Fédération va s’échiner à vérifier la garde au sol à l’arrêt alors que tout le monde sait qu’elle n’est pas respectée en course. Monoplace bannie, l’écurie Lotus sera sanctionnée, durement si l’on prend en compte la tricherie générale. Colin Chapman en ressentira un profond écoeurement. Il décèdera en décembre 1982 d’une crise cardiaque. La situation sera réglée en 1983 avec l’interdiction de l’effet de sol et l’obligation d’un fond plat.

 

L’essence non conforme de Brabham :  carburant agressif  /1983

La domination des moteurs turbo compressés  en  1983 est radicale en Formule 1. Les contraintes thermiques  sont  importantes. Une parade consiste à utiliser un carburant permettant d’abaisser la température de fonctionnement et donc le rendement  ainsi que la fiabilité du moteur. Une norme est imposée par le règlement. L’équipe Brabham (encore !) depuis le GP d’Allemagne utilise un carburant dont le taux d’octane est supérieur à cette norme. Il  permet donc d’optimiser le fonctionnement de son propulseur  BMW. Ce carburant agressif  permit  à  Nelson Piquet de contrer la Renault d’ Alain Prost lors de la dernière course de la saison 1983. Piquet coiffe la couronne pour 2 points. L’affaire ne fut révélée qu’en fin de saison. L’équipe française ne porta finalement pas réclamation, refusant de  l’emporter sur le tapis vert. 

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  Les  billes de plomb de Tyrrell,  grenaille dans le radiateur d’eau  (USA  Est /1984)

Ken Tyrrell  roule en « atmo » en 1984 avec le bon vieux Cosworth.  Sa monoplace ne peut  bien sûr pas concurrencer  les « Turbo » trop puissants  surtout sur les circuits rapides. Sur les pistes sinueuses une petite chance demeure. « L’oncle Ken » triche en  jouant  sur le poids minimum et allège sa voiture. Lors d’un ravitaillement en fin de course les mécanos versent des billes de plomb dans le radiateur d’eau  afin de dépasser ce poids minimum requis lors des vérifications  d’après course.  Le stratagème est découvert  au GP des USA Est. Brundel y perd sa seconde place. Tyrrell obtiendra  le droit de continuer à courir mais la Fédération lui enlèvera les éventuels points acquis au Championnat  Mondial.

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La bride d’air rétractable de la Toyota Celica rallye - ingénieux  système amenant plus d’air au turbo / 1995

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Il s’agit de la tricherie la plus imperceptible dans le domaine. La bride limitant l’entrée d’air dans le compresseur est équipée de ressorts qui lui permettent de se dilater en marche alors qu’elle reprend sa valeur légale lors des vérifications à l’arrêt.  L’astuce découverte vaudra à Toyota la perte des points acquis en 1995 et  une exclusion du classement mondial d’un an.

 

Les tricheries ou contournement de la réglementation ont tendance à se perpétuer dans le monde de la course automobile. En témoigne par exemple la double pédale de frein de la Mc Laren F1 en 1997, déclarée illégale après réclamation de Ferrari. Toujours en formule 1 des ailerons flexibles (Red Bull et Ferrari en 2010) généraient une augmentation d’appui aérodynamique en course.

PS

Paru sur "Racing memories" en mars 2019 

Photos:  DR

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