Palette de huit portraits capturés il y a un demi-siècle. 1970 C’est l’année du renouveau dans l’hexagone où le Général a cédé son emprise puis tirer sa révérence. Deux ans auparavant une foule de jeunes escogriffes réclame un ordre nouveau. L’année suivante l’auguste homme coupe la branche sur laquelle il est assis au nom d’un référendum …Un ex banquier d’allure bonhomme à la clope collée au bec prend la relève...
C’est du sérieux, on fait tourner la planche à billets. Les trente glorieuses sont grandement entamées, sur les circuits et routes de rallye pilotes et mécaniques made in France prennent leur essor boostés par la croissance économique …
Sur le cliché en mode plongé, le photographe n’a pas encore demandé au groupe d’afficher un sourire convenu. Il shoote et obtient un premier jet nature. Il correspond à l’état d’esprit de chacun au moment donné :
A l’extrême droite l’ex motard parisien au bras gauche bloqué affiche une mine sereine, il a donné le meilleur de lui-même, parfois plus en raison de son handicap, au volant des voitures qu’on lui a confiées cette saison. Celle-ci touche à sa fin puisque l’aréopage face à l’objectif se présente planté sur le bitume en terre canadienne. Saint Jovite, dans les Laurentides.
Derrière, l’homme au visage de camionneur consciencieux affiche la physionomie de la force tranquille. Originaire d’Océanie, rien ne semble impressionner ce roc.
Au centre première ligne le fils de jockey, sujet de sa majesté britannique, montre le visage déterminé du sportif british au fighting spirit. Il lui faudra attendre une année avant de tirer le gros lot de la loterie, la course de sa vie.
A gauche le pilote qui détourne le regard porte le visage de l’homme accompli. Son sourire traduit le sentiment de l’œuvre achevée après ces nombreuses saisons passées à bourlinguer à travers le monde. Triple Champion du Monde et constructeur de Formule 1 il aspire à couler une vie plus calme et le signifiera bientôt.
Au centre de la photo le jeune germain qui a enlevé ses lunettes annonce le visage du guerrier. Déjà rompu à l’exercice de l’endurance, il veut percer dans la « Formule reine » et prouver que le sprint est aussi son registre.
Arrière plan :
A droite, le nordique dont l’aspect réservé cache l’audace, l’intrépidité semble se placer à l’écart. Il va pourtant rejoindre le giron des meilleurs pilotes de sa génération.
Au centre le barbu à l’air décidé, dont le visage traduit la sincérité et le franc parlé nourrit des ambitions certaines mais justifiées. Il ne connaît pas de « plaisir plus fort que de réaliser un tour idéal au volant d’une voiture de course » dixit l’intéressé. Il possède plusieurs cordes à son arc. Il court, il vole et créera une fois l’âge mûr atteint une écurie de course.
A gauche ce latin de bonne famille qui semble faire un peu la gueule est soucieux ou déjà très concentré. Son début de carrière en F1 a été marqué par des accidents. Victime d’un carambolage au Grand Prix d’Angleterre en 73 il va raccrocher son casque et virer de bord pour se consacrer au prêt-à-porter.
Parmi ces huit hommes les six formant un triangle équilatéral à droite ne sont plus de ce monde. Le hasard les a rangés dans l’ordre des lignes de vie. Les trois au premier plan sont morts de maladie ou affection brutale à un âge respectable. Les trois formant la pointe ont disparu dans l’exercice de leur passion. Quant aux deux rescapés à gauche ils en sont à l’hiver de leur vie.
Où qu’elles se positionnent ces étoiles brillent encore.
Cette photo me touche particulièrement car 1970 c’est l’année où j’ai vraiment commencé à me passionner pour le sport automobile.
Les visages parlent : de gauche à droite : Andrea De Adamich-Jack Brabham-Henri Pescarolo-Rolf Stommelen-Ronnie Peterson-Peter Gethin-Dennis Hulme-Jean Pierre Beltoise.
PS
Photo : © David Phipps - Sutton images
* Paru sur "racing'memories" en décembre 2020