Beaucoup de choses sont résumées dans ce qualificatif. Un pilote selon Henri Pescarolo d’une « droiture absolue », un homme « fidèle et humble ». « Il nous faisait penser à Jim Clark, un styliste, il avait toujours les bonnes trajectoires, n’était jamais en dérive », « il aurait mérité de monter en Formule un » … Tout est dit par le camarade de course de Jean Pierre Jaussaud.
JP Jaussaud dans la monoplace et Jean Claude Arnold (cliquer)
Inutile de présenter ici son palmarès. Beaucoup se souviennent après le volant Shell 63 de ses débuts en monoplace sur une Cooper puis chez Matra et son éviction trop rapide par l’équipe de Vélizy. Sa « remise sur les rails » en F3 menée par Marcel Arnold sur les conseils de son fils Jean Claude. La poursuite de sa carrière en F2 et en endurance.
S’il fut une course qui compta pour le Caennais c’est bien le GP de Monaco F3 1968. Elle lui ouvrit les portes de la F2. Mais Monza l’affligea de ce sérieux accident la même année au moment où sa cote montait en flèche.
Monaco F3 68
Jean Pierre Jaussaud est remercié fin 67 par Matra qui le fit courir en F3 et en proto sur les 620 puis 630 motorisées par BRM. Marcel Arnold lui propose le volant d’une Tecno en F3. Sa saison commence en mars à Barcelone. Le point d’orgue de la saison est bien sûr la course de Monaco sous les yeux du gotha de la Formule 1…
Jean Pierre est dans le coup dès les essais. Il y a beaucoup de monde pour disputer cette illustre course de F3, celle qui ouvre souvent au vainqueur des portes parfois imprévues sur l’avenir.
Deux manches de qualification sont nécessaires pour donner leur chance à vingt deux pilotes autorisés à disputer la finale F3 la veille du Grand Prix F1. Si Roy Spike a réalisé la pole Jaussaud va se montrer intraitable dans sa manche qu’il remporte au volant de la Tecno Ford préparée par Novamotor (châssis T00210). La seconde manche est perturbée par la pluie. Elle est remportée par Mike Beckwith sur une Brabham BT 21. Les onze premiers pilotes de chaque manche sont qualifiés pour la course. La concurrence est rude ce 25 mai sur la grille de départ. Peterson, Gethin, Westbury, Cevert, Depailler, Van Lennep, Wisell, Craft… n’ont pas l’intention de s’en laisser compter.
« Je suis parti en tête, comme cela est indispensable à Monaco. J’ai réussi à atteindre 45 secondes d’avance sur mes poursuivants à deux tours du drapeau mais mon moteur s’est soudain mis à tourner sur trois cylindres, un fil de bougie était débranché. S’arrêter où finir ainsi sur trois pattes ? J’ai choisi la deuxième solution qui fut la bonne, le second Gethin ne m’a repris qu’une vingtaine de secondes. »
Au soir de ce succès Ferrari proposa un volant F2 au vainqueur mais Jean Pierre qui s’était engagé avec Tecno repoussa l’offre. Avec le recul il convint que ce fut probablement une erreur. Autre anecdote racontée par l’intéressé : « Lors de ce week-end je ne doutais de rien, je m’étais mis en tête que je pouvais disputer la course de F1, je me suis naturellement fait jeter de partout sauf de BRM. Avec les évènements ils n’arrivaient pas à joindre Richard Attwood, s’il n’est pas là demain tu piloteras. » Attwood se présenta au rendez-vous in extrémis. La confiance de Jaussaud n’était pas excessive si l’on se réfère à cette flamboyante course accomplie en F3.
La carrière de Jaussaud subit un frein lors du crash de Monza le 23 juin suivant alors qu’il disputait la course de F2 pour Tecno. Une longue convalescence s’installa. « 68 devait être mon année mais cet accident a tout gâché, il a même foutu ma carrière en l’air. »
JP Jaussaud a quitté notre monde en juillet dernier.
PS
Sources : Presse ( Ouest-France.fr- 2021 / Echappement Classic – avril 2013)
Photos: DR
* Publié sur Racing'memories en juillet 2021