1968 : la réglementation du Championnat du Monde Sport-prototype évolue. La catégorie sport oblige l'utilisation d'un moteur issu de la série qui ne dépasse pas 5L de cylindrée et la production de cinquante exemplaires minimum. La catégorie prototype ne doit pas excéder 3L de cylindrée. Exit les monstres US de 7L et les superbes prototypes 4L de Maranello. Qui peut maintenant saisir l’opportunité et tirer les marrons du feu ?
Début février 1968 : ouverture du Championnat en Floride sur le Speedway et routier de Daytona.
Le plateau
Ford GT 40 - Porsche 907
John Wyer présente deux Ford GT 40 aux mains de Ickx-Redman et Hobbs-Hawkins, V8 5L optimisé chez Gurney-Weslake. Porsche engage officiellement quatre 907LH de 2,2L à capot arrière effilé. Au volant : Siffert-Herrmann, Mitter-Stommelen, Elford-Neerpasch et un équipage exotique franco-américain Schlesser- Buzzetta. Alfa-Roméo est présent avec quatre 33/2 usine 2Litres (Schütz-Vaccarella, Andretti-Bianchi, Casoni-Biscaldi-Zeccoli, Giunti-Galli). Autodelta a également dépêché deux Giulia sprint GTA en catégorie Tourisme – 2L.
Alfa-Romeo 33/2 - Howmet TX
La Howmet TX mue par une turbine à gaz (catégorie proto 3L) est l’attraction locale (Heppenstall-Lowther-Thompson). C’est un projet du pilote US Ray Heppenstall qui a convaincu Howmet corporation de se lancer dans la compétition automobile par le biais de cette technologie déjà testée à Indianapolis et par Rover-BRM en Europe. De nombreux pilotes américains sont bien sûr présents au volant de GT ou Tourisme +2L : Mustang Shelby, Chevrolet Corvette, Chevrolet Camaro, Porsche 911 fournissent le gros du plateau.
Chevrolet Corvette
Mustang Shelby - Ferrari 250 LM
Ferrari est représenté grâce à l’écurie satellite N.A.R.T, Vestey racing et Raceco-Miami, trois 250LM et une Dino. Quelques étrangetés si l’on peut dire sur ce circuit : une Morgan, MGB, Volvo 122S, Jaguar XKE, Dodge Dart, Lancia Fulvia Zagato, des Triumph (TR4-GT6), plus réalistes une Chevron B6 BMW et une Nomad Ford.
Les essais – la course
Les GT40 Wyer font office d’épouvantails face aux Porsche certes joliment profilées et Alfa-Roméo : 5L contre 2,2L et 2L. La hiérarchie pressentie au vu des données techniques de la liste des engagés se confirme sur la piste. Les Ford réalisent les meilleurs temps devant les Porsche, la Howmet et la Ferrari 250LM N.A.R.T de Piper. Ickx a réalisé la pole battant le record de Gurney en 67 sur la MKII. Giunti-Galli sont victimes d’un accident aux essais, leur Alfa n’est pas réparable. L’Alfa 33/2 de Schütz-Vaccarrella est neuvième, Pedro Rodriguez est dixième temps sur la Ferrari Dino du N.A.R.T. Les GT et tourismes américaines sont puissantes mais lourdes et moins dynamiques, elles ne peuvent jouer la victoire à la distance sauf circonstances exceptionnelles. Les pilotes les plus rapides aux essais sont Gulstrand-Leslie (15è), Patrick-Jordan-Caplan (16è), Grant-Morgan (17è), Revson-Yenko (19è) tous sur Corvette et Donohue-Johnson (20è) sur une Camaro.
Samedi le peloton s’élance en formation puis est libéré au signal du starter agitant son drapeau. Les pilotes Ford prennent la tête suivis des Porsche, de la Howmet, des Ferrari de Piper et Rodriguez, des Alfa. C’est parti pour 24 heures. Au troisième tour Hawkins doit déjà stopper au stand pour un problème électrique, un câble d’alimentation est débranché. Quand la première heure se conclut, Ickx est en tête devant les quatre Porsche usine et la seconde GT 40. La Howmet est rapidement hors course, son pilote est victime d’une sortie de route provoquée par le blocage d’une soupape de décharge. La nuit tombe, Redman s’arrête soudainement en bord de piste et doit renoncer boîte défaillante (58ème tour). C’est à ce moment que Hobbs qui avait relayé Hawkins reprend la première position, il a remonté les Porsche au prix d’un bel effort. La course se stabilise un bon moment et entame sa partie nocturne. En milieu de nuit des soucis techniques vont commencer à accabler la seconde GT40. Elle est inexorablement retardée par des stops au box. Elle laisse ainsi les Porsche aux avant-postes. La seconde Wyer va finalement abandonner après 430 tours à la suite d’une fuite du réservoir d’essence. Siffert-Herrmann tiennent dorénavant longuement la tête mais la 907 va jouer de malchance, elle s’arrête 22 mn au box pour résoudre un problème de frein, le support de pédale est cassé. La voiture repart en seconde position devant Schlesser-Buzzetta. Elford-Neerpasch ont pris la relève en tête, ils s’acheminent sauf problème vers la victoire. En fin de course le staff Porsche laisse conduire Siffert, Herrmann et aussi Stommelen sur la voiture de tête durant quelques tours. Ainsi ces pilotes sont récompensés de leur malchance se trouvant listés sur la feuille de classement en première position. Stommelen vit sa voiture abandonner dans un accrochage alors que son équipier était au volant.
Cet accrochage a impliqué trois autos, la Porsche officielle N°53 (Mitter-Stommelen), la 907 privée N°55 (Steinemann-Spoerry) et la 250LM NART N°81 (Piper-Gregory). Les trois voitures restent sur le carreau.
La voiture N°54 des vainqueurs sera donc créditée au classement final de cinq pilotes : Elford-Neerpasch-Siffert-Herrmann-Stommelen. Les américains Titus-Bucknum (Mustang Shelby) terminent quatrièmes à la distance et premiers de la classe Tourisme +2L devant les trois Alfa 33/2 et la Ferrari 250LM de Gunn-Ortega-Merello.
Porsche égale Ferrari
Comme Ferrari l'avait fait en 1967, Porsche signe un beau triplé. La firme allemande regroupe ses trois voitures pour marquer son succès sur la ligne d’arrivée. Elle va rééditer une performance identique à Sebring (un doublé), clôturant une campagne nord américaine triomphale. Un véritable holdup alors que l’écurie Wyer fut accablée d’ennuis (quatre abandons en deux courses).
Au bilan de fin de saison Ford vainqueur aux 24H du Mans remporte le Championnat suivi de très près par Porsche, trois points séparent les deux constructeurs.
PS
Photos : DR
* Paru sur Racingmemories en mars 2023