Soichiro Honda (photo) se lance au début des années soixante dans le grand bain de la compétition automobile. La Formule 1 sera la vitrine de son offensive sur le marché automobile mondial. Il contacte Colin Chapman qui réalise une étude châssis tandis que le constructeur japonais conçoit un moteur. Un prototype est élaboré, cependant les deux hommes n’arriveront pas à conclure leur accord. Après cette approche de partenariat avec Lotus en 1963, la firme Honda décide d’aligner une monoplace cent pour cent nippone courant 1964.
Première partie / 1964-65-66
1964
La réglementation d’alors impose un moteur n’excédant pas 1500 cc dont l’architecture reste libre. Honda a travaillé sur un compact et puissant 12 cylindres en V dont la particularité est d’être installé transversalement dans la monoplace référencée RA 271. Le châssis monocoque aluminium « maison » est conçu par Yoshio Nakamura, il est couplé à une structure tubulaire recevant le groupe propulseur. Cette jolie voiture aux couleurs blanche et rouge marquant son origine fera ses débuts au GP d’Allemagne à la mi-saison. Des essais de mise au point furent menés auparavant par Jack Brabham sur le prototype initial RA 270 (photo 1) .
L’équipe Honda est allée « dénicher » son pilote aux USA, un marché qui intéresse particulièrement le constructeur. Phil Hill est contacté, il décline l’offre mais recommande Ronnie Bucknum qui est engagé. Ce dernier est un spécialiste des courses sport sur son continent. Il s’est forgé une réputation de metteur au point et un palmarès en endurance outre Atlantique. Il est à noter que deux épreuves seulement ont lieu sur le continent américain en 64, 65, 66 aux USA et Mexique tandis qu’en 67 et 68 s’y ajoute le Canada.
Bucknum débarque donc sur le Nürburgring avec un bagage vierge en matière de monoplace. Ces débuts ne sont donc pas faciles sur ce long circuit de 22,810 km. Lors des essais l’Américain se qualifie bon dernier ayant concédé près d’une minute au poleman John Surtees sur Ferrari. La Honda est handicapée par près de soixante kilos d’embonpoint face à la Ferrari 158 mue elle par un 8 cylindres. Bucknum prend cependant un bon départ le jour de la course puisqu’il pointe à la treizième position au premier tour. Il va se montrer régulier et au fil des tours se retrouve onzième après dix boucles couvertes.C’est au 11è tour qu’il commet une erreur, un tête-à-queue provoquant son abandon.
Sa course suivante a lieu en Italie. Sur l’autodrome de Monza, il obtient un excellent dixième temps sur la grille de départ, montrant que son 12 cylindres était dans le coup sur ce circuit rapide.
Passant 16è lors du premier tour, l’Américain va remonter jusqu’à la 7è place au douzième tour mais ses freins vont lâcher et précipitent son abandon au tour suivant.
Bucknum dispute ensuite son Grand Prix national sur le circuit de Watkins Glen. Quatorzième temps aux essais, le pilote Honda navigue entre les 12è et 13è positions jusqu’au tour 44 puis accède à la 10è place au 49ème tour. Malheureusement son joint de culasse le trahit deux tours plus tard, le contraignant à l’abandon. Ainsi s’achève les débuts de l’écurie Honda en F1, elle fait l’impasse sur le dernier Grand Prix, celui du Mexique, pour préparer la saison 65.
1965
L’écurie japonaise s’adjoint les services d’un second pilote américain, Richie Ginther. Bucknum est particulièrement chargé du développement de la monoplace RA 272 qui est une évolution du précédent modèle, son moteur est remanié. L’écurie nippone est absente lors du Grand Prix d’Afrique du sud qui se déroule le 1er janvier, elle démarre la saison à Monaco où les deux pilotes se qualifient en dernière ligne. Ginther casse sa transmission lors du premier tour et Bucknum sa boîte au 33ème tour, il reste donc du pain sur la planche. La situation s’améliore à Spa, Richie finit sixième dans les Ardennes marquant le premier point de l’écurie au Championnat Mondial. Son équipier renonce sur rupture de transmission. En France une nouvelle douche froide attend les deux pilotes qui sont éliminés sur défaillance de l’allumage. Ginther, seul engagé en Angleterre, subit encore une fois les affres d’un allumage récalcitrant. Au Pays Bas le problème est résolu. Richie Ginther parti en première ligne a mené les deux premiers tours. Il termine à la sixième place, certes à un tour du vainqueur mais s’adjuge le dernier point attribué au classement. En Allemagne les deux monoplaces sont forfaits.
Monza marque le retour des japonaises qui enregistrent deux abandons, Ginther stoppe en délicatesse avec son allumage tandis que Bucknum casse son moteur. Après ces résultats en dents de scie la campagne américaine va s’avérer favorable. Aux Etats Unis les deux voitures terminent le Grand Prix, respectivement en 7ème position pour Ginther et 13ème pour Bucknum. C’est au Mexique, dernière épreuve de la saison qu’arrive la consécration. L’équipe Honda y effectua des essais préliminaires pour adapter son moteur à l’altitude. Travail fructueux, Richie Ginther triomphe menant la course de bout en bout. Ce sera son unique succès en F1.
Bucknum finit cinquième. Cette saison tumultueuse se termine bien pour l’équipe Honda. Clark a conduit Lotus au pinacle en remportant un second titre devant Graham Hill et sa BRM. Honda a glané onze points, terminant 6ème au classement constructeurs.
1966
Changement de réglementation en 66 avec le passage au moteur 3L. L’étude et la conception d’un nouveau moteur prend du temps. Honda opte pour une solution plus conventionnelle par rapport à son premier moteur. Il s’agit d’un V12 placé en position longitudinale de 3000 cm3 avec échappement au centre du V. La voiture nommée RA 273 n’est prête que pour le Grand Prix d’Italie… Les pilotes sont les mêmes que l’année précédente mais seul Ginther va courir, la seconde voiture n’étant pas prête.
A Monza Richie Ginther obtient un honorable 7ème temps à une seconde de la pole. En course l’Américain prend un bon départ, va même tenir un moment la seconde position. L’éclatement d’un pneu est à l’origine d’une violente sortie dont il se tira miraculeusement indemne. Au Grand Prix suivant à Watkins Glen deux voitures sont engagées, Bucknum reprenant du service. Ginther enregistre un bon huitième temps alors que son collègue part en fond de grille. Bucknum abandonne au 58ème tour victime de sa transmission et Ginther ne couvre que 81 tours sur 108. La saison s’achève avec la course de Mexico, les deux voitures terminent cette fois le Grand Prix, Ginther à la quatrième place et Bucknum à la huitième. Un bon résultat ponctuant une saison tronquée. Le bilan révèle une monoplace encore handicapée par un poids excessif. L’équipe japonaise doit confirmer et réaliser une prochaine saison complète.
A suivre ...
PS
*(publié sur "Racing'memories" en mars dernier)
Photos: DR