(2007)La vision d'un Pesca réduit au 43e, enfermé dans une boîte en plastique et offert à la concupiscence du public du dernier Rétromobile nous avait tant chagriné que nous vous en avions fait part. Compatissant, François Coeuret nous livre la contribution suivante qui donne un peu d'air à l'Homme secret en lui rappelant celui qui souffla jadis en Principauté...
Archives Mémoire des stands (Coeuret) - Page 2
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Sortir Pesca de sa boîte!
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Une course folle
Denis Dayan (cliquer pour agrandir)
En ce mois de juin 1970 une grande effervescence régnait sur le circuit des Essarts près de Rouen, côté stands, paddock et spectateurs tout au long de l’enceinte descendant jusqu’à l’épingle du nouveau monde. Les pilotes de F3 s’apprêtaient à sortir de l’aire où parquaient leurs autos. En file indienne, moteurs maintenus au ralenti, ils attendaient que le préposé leur intime l’ordre de sortir un à un pour se mettre en piste. Le gratin de la spécialité était donc réuni pour cette manche normande. Des anglais avec leurs moteurs préparés chez les meilleurs spécialistes d’outre manche et pas mal de français engagés notamment sur des châssis Brabham, Martini, Grac . Parmi eux Bob Wolleck, Jean Luc Salomon, Denis Dayan.
Le circuit des Essarts, incontournable épreuve française, était très prisé à l’époque. Situé en forêt, son tracé présentait une sacrée déclivité depuis le virage du Paradis précédant les stands d’où la piste dévalait sur la courbe rapide des six Frères jusqu’au freinage appuyé du Nouveau Monde. Le circuit remontait ensuite dans un secteur boisé plus dense avec les virages de Samson, Beauval puis celui du Grésil ramenant les pilotes vers le Paradis.
B.Wolleck
Un circuit pour les gros cœurs disait-on. Bob, Jean Luc et Denis n’en manquaient pas qui s’étaient battus comme des braves aux essais pour s’octroyer la meilleure place possible sur la grille.
JL Salomon D.Dayan
Après avoir parcouru les 6,5 kilomètres en faisant chauffer leurs gommes, Bob, le mieux qualifié, vint se placer sur la 1ère ligne, Jean Luc sur la seconde ligne et Denis sur la sixième. Ils entamèrent ensuite leur tour de formation en peloton, s’immobilisèrent devant les stands. Chacun se concentra, faisant le vide avant l’assaut, se préparant à réaliser un départ canon pour gagner une ou deux places sur leur(s) voisin(s) immédiat(s).
Panneau 15’’, pied droit libérant les gaz et adrénaline accélérant leur rythme cardiaque, ils lancèrent leur machine, zigzagant, cherchant l’ouverture vers la vertigineuse descente.
Les tours s’enchaînent, des pelotons se forment où l’on bataille ferme à la recherche de dixièmes de seconde à gagner, d’une aspiration maximale dans la descente pour tenter un dépassement en bas, s’offrir un bonus au Nouveau Monde. Pour cela il fallait passer les six frères sur le fil du rasoir, parfois sur l’extérieur au coude à coude avec un concurrent. Les rails étaient si proches à fleureter avec la limite sur chaque tour. Les anglais cravachent comme des malades avec leur mécanique au top. Wolleck et Salomon tirent leur épingle du jeu dans le bon wagon au petit jeu de l’aspiration. La Grac de Dayan est en retrait mais Denis se bat comme un diable. Le combat est intense, la lutte à son paroxysme, une ambiance hostile s’installe peu à peu…Au 13è tour Wolleck sort violemment en haut de la montée. Devant les stands, après le 14è tour, le panneauteur de Dayan ne voit plus son pilote repasser, les hauts parleurs sont inaudibles avec le vacarme des moteurs, un frisson s’empare des membres et proches de son équipe… Denis attaquait la descente, il enroula le début de la courbe des six frères quand une pièce cassa à gauche sous sa voiture qui partit tout droit au lieu de poursuivre sa parabole habituelle. Le pilote monta sur ses freins sachant qu’il ne pouvait plus rien faire qu’attendre le choc, tout s’était passé en quelques secondes...Tout devint noir …Indéfiniment, inexorablement …Un effroyable choc…L’équipe Grac est accablée…La course continue…Le sort s’acharne, dans le dernier tour onze pilotes jouent la victoire dans un paquet où on tente le tout pour le tout, cinq s’accrochent à 500m de l’arrivée, Salomon tape violemment. Les commissaires le transportent inanimé, Jean Luc décédera au poste médical du circuit…Denis succombera à ses blessures dans la nuit du lundi au mardi suivant la course dans sa chambre d’hôpital. Bob s’en sortira avec une facture au bras…La camarde, dans sa fureur, l’avait heureusement manqué. Ce fut une course folle en cet après midi du 28 juin 1970.
SdS
virage des Six Frères / Denis Dayan vient d'être évacué vers l'hôpital.
Photos : http://denisdayan.ddbsi.fr/ /DR /D.Dayan en route à jamais vers le nouveau monde/ Grand Prix F.3 des Essarts 28 /06/70
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Gitan de France - à relire
Voici la photo d’un gitan de France qui m’a valu quelques recherches car on ne l’a vue qu’une fois à ma connaissance, aux 1000 km du Nurburgring 1974, où la pub pour le tabac était interdite.
Je me suis amusé à faire comme Henri sur sa combinaison, dans le texte qui suit…
1974. Une bande de gitans, des copains d’abord, ont mainmise sur le championnat du monde des marques. Cœurs vaillants, ils n’économisent pas leur peine et font un tabac au volant d’un bolide qui ne roule pas mais vole, même s’il a perdu la voix envoûtante qui le caractérisait jusqu’en 1972.
Non, les bougres ne carburent pas au papier maïs, plutôt à l’octane indice 100. Leur monture, un félin de couleur bleue, arbore la silhouette d’une jolie femme brune aux reins cambrés. À chaque départ, ils laissent un peu de fumée en suspension sur le tarmac.Cliquer
Après être sortis vainqueurs du Cheval cabré en 1973 (certes de justesse) et l’avoir ramené à l’écurie l’année suivante, ils pétrifient leurs adversaires en 1974 : les Italiens d’Alfa, les Anglais de Mirage, les Allemands de Porsche ; tous ceux-là en effet n’y verront que du bleu. Après leurs exploits, le chef de la tribu les réunit pour leur dire qu’il jette l’épée l’année suivante. Si tu ne viens pas à Lagardère… Il sévira plus tard avec une équipe de football et des chevaux sans vapeur cette fois.
Nos gens du voyage reprendront la route, inlassablement, sous d’autres cieux, laissant leurs supporters pétrifiés à leur tour, une pointe amère fichée dans leurs cœurs de passionnés.GM
Photo 1: DR - (Henri Pescarolo a masqué la marque de cigarettes du sponsor de son équipe suite à l'interdiction de publicité sur le tabac en vigueur en Allemagne en 1974 - Circuit du Nürburgring)
Photo 2: DR (G.Larrousse équipier de Henri Pescarolo sur la Matra 670C)
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Mes 24 Heures 72
« Dis p’pa tu m’emmènes au Mans cette année ? Avec la réglementation 3 litres, Matra a de grandes chances de l’emporter. Ils ont bien préparé leur coup en s’entraînant uniquement pour cette épreuve. En plus Ferrari a jeté l’éponge !
- Mais dis-donc le lundi qui suit, tu passes ton bac de français à l’oral. Tu dois revoir les textes que tu présentes, cette note est importante.»...
Argument implacable. Cela s’appelait faire la lippe ! Il ne restait plus que la télé diffusant à dose infinitésimale et les ondes d’Europe 1 avec le flash heure par heure…
Il passait le week-end de la «librairie de Montaigne» à Maison blanche, en compagnie de « Montesquieu et l’esclavage des nègres » côte à côte avec Beltoise et la casse d’un V 12 . « Arias de la Bruyère » ne pouvait rivaliser avec le flamboyant Cevert de l’équipe Matra. « La leçon de nature de Diderot » paraissait bien pâlotte face à la leçon de pilotage de Hill sous la pluie. « Une nuit dans le désert du nouveau monde » de Chateaubriand ne valait pas une nuit sur le circuit de la Sarthe ! Mérimée proposait « la vision de Don Juan », plus prospère, le speaker des points horaires à la radio celle de la Matra 670 montant ses régimes dans la ligne droite des stands !
Entre le silence méditatif de la librairie de Montaigne et les passages rythmés des voitures nettement audibles derrière la voix du journaliste, le contraste était saisissant. Philosophe Jekyll , le récit du sage ; pilote Hyde, le vacarme diabolique dans la courbe des Hunaudières…
Matra n’aura pas la vie si facile. Après la douche froide Beltoise, l’abandon de Jabouille-Hobbs (boîte) ; sur fond de drame Bonnier, Ganley s’accroche avec Mc Beaumont précipitant l’issue de la course… A l’approche de la chicane Ford, c’est le soulagement pour Pescarolo-Hill, le premier nommé passant imperturbable le drapeau à damier flanqué d’un Cevert hilare, gesticulant…
Ils avaient gagné ! La librairie de Montaigne vibrait, résonnait du tumulte de la foule en liesse.
Rageant de n’avoir vu cela qu’à travers le petit écran, je décidais quelques temps plus tard de matérialiser cette victoire… Sur un morceau de bois évoquant la piste, posant les deux miniatures que Solido mit en vente quelques mois après…
Mes 24 heures du Mans 72…Grand enfant !
GM
Photo: 1 © GM / 2 DR
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Le cimetière des éléphants
J’ai assisté pendant environ huit ans au GP de Rouen les Essarts dans les années 70 et début 80. J’habitais à cinquante km du relais.
Le circuit normand était ma destination la plus proche. Dire qu’on appréciait son cadre, son ambiance était un euphémisme. Si sa descente représentait certainement un morceau de bravoure pour les pilotes, elle tenait du régal pour les spectateurs...
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Se souvenir de Montlhéry : 1000 km de Paris 1971
Cliquer pour agrandir
Par cette matinée dominicale de la mi-octobre, un temps incertain s’abat sur le plateau de St Europe...
Dans la voiture qui m’emmena vers l’autodrome régnait une ambiance de première communion en ce qui me concernait, j’avais 16 ans. Un levant rougeoyant embrasait le ciel derrière le pare brise, une journée exceptionnelle s’annonçait devant ce soleil de Linas, soleil annonçant la pluie.
…Nous entrons dans l’arène, passant sous l’anneau de vitesse. L’ambiance est encore calme, le paddock bien garni, mon regard sature déjà. Les images le remplissent à un rythme accéléré. Couleurs, odeurs …Soudain, un hurlement saccadé fend l’espace alentour, un fauve mécanique s’apprête à en découdre…
Un frisson parcourt mon corps. J’avais rêvé ce monde sur le papier glacé des revues, à travers les textes des reportages, entendu les bolides par le haut parleur assourdi près de l’écran noir et blanc. Maintenant je l’avais devant moi, en chair, en métal et dans tous les composants nécessaires. Grâce au brassard aimablement confié, j’arpente la ligne des stands où les objets de ma convoitise sont sagement garés, gardés, bichonnés, à portée de mains…
Le vieux Kodak prêté par mon père n’en reviendra pas non plus.Tout ce petit monde sera rapidement immortalisé sur les sels d’argent de la pellicule…
…Chris semble perdu dans quelques pensées indétectables, songe-t-il au printemps qui pointe dans son île natale ? Ici ça sent l’automne et la fermeture de la saison.
Jean Pierre embrasse d’un coup d’œil satisfait l’ensemble de la grille. Sur un tour, il s’est montré très véloce, n’échouant qu’à 2/10ème de la 917 5 litres d’Helmut concentré au volant. Les deux techniciens rigolent bien, l’agile 660 a tenu la dragée haute à toutes ses concurrentes. Leur travail est terminé, la Matra contrôlée et réglée « pile poil ». L’issue de la course ne dépend plus d’eux. On sangle Jean Pierre dans son cockpit…
Le lièvre dans son gîte n’a qu’à bien se tenir, à la merci d’une truffe particulièrement sensible, d’un canon rigoureusement aligné. Le départ de Jean Pierre fut aussi canon…Syncopé par les montées en régime stridentes de son V12...Jusqu’à ce que la boîte, torturée par le toboggan de Linas, rende l’âme …
Ce matin-là, sur le plateau de st Eutrope, ce fut un bigbang dont je ne me suis jamais remis.
JP Beltoise
H Marko
H Pescarolo / Alfa Romeo 33 TT3
Porsche 917 K
Ferrari 512M
Chevron 2L
Photos : © GM / 1000 KM de Paris 1971 - Autodrome de Linas Montlhéry / Chris Amon, Jean Pierre Beltoise, Helmut Marko, Henri Pescarolo /
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Gunnar Nilson pilote courage
Après s’être essayé au pilotage en Suède, Gunnar Nilsson débute sérieusement la compétition automobile sur le tard à 24 ans passés en 1973. Il effectue deux saisons d’apprentissage en Formule super Vee puis en Formule 3 Allemagne l’année suivante. Le pilote suédois remporte en 1975 le très coté Championnat d’Angleterre de Formule 3(8 victoires), il gagne aussi 4 courses de Formule Atlantique britannique cette année-là. Muni de ce bagage, Gunnar saisit une opportunité, prévu chez March en F2 l’année suivante, il profite du départ précipité de son compatriote Ronnie Peterson quittant Lotus pour la firme de Bicester. L’équipe de Colin Chapman « récupérant » un Suédois contre un autre à la suite d’un accord avec March, il devient donc l’équipier de l’italo-américain Mario Andretti de retour dans l’équipe anglaise après son incursion, elle-même précipitée mais fugace, chez Parnelli en Afsud et aux USA Ouest. C’est l’occasion d’apprendre, d’affiner son pilotage en formule 1 sur la Lotus 77, une voiture peu compétitive en début de saison causant la valse des baquets citée plus haut mais qui va progresser au fil des Grands Prix.
Très vite, son talent se révèle, il monte deux fois sur la troisième marche du podium au cours de la saison en Espagne et en Autriche, termine cinquième en Allemagne et sixième lors du dernier Grand Prix au Japon. Il s’octroie une honorable dixième place au Championnat du monde, entrant dans la peau d’un vainqueur potentiel de Grand Prix. En 1977 Mario Andretti, après quelques courses, fait de l’innovante Lotus 78 à effet de sol une redoutable concurrente, la tenue de route de ce châssis surclasse la concurrence cependant la lotus est fragile. Nilsson épaule son chef de file mais lorgne sur la victoire au volant de son efficace machine. Il est maintenant capable de remporter un Grand Prix, en fera la démonstration lors du GP de Belgique dans des conditions climatiques exécrables, une pluie battante en début de course. Malgré un arrêt pneus et deux têtes à queue le Suédois vaincra, attaquant sans relâche. Fou de joie sur le podium, il réalise un de ses rêves. En début de saison, Gunnar avait finit cinquième au Brésil et en Espagne, aprèsla Belgique il termine quatrième en France, troisième en Angleterre. La deuxième partie de la saison verra ses performances décliner, il ne marque plus de point, victime de son moteur en Allemagne et en Autriche, de sa suspension en Italie, d’accrochages en Hollande et aux USA, d’un accident au Canada, de sa boîte au Japon. Andretti gagne 4 Grands Prix mais Lauda s’adjuge le titre mondial cette année-là, Nilsson est classé huitième au Championnat du Monde.
Lors de la dernière course au Japon, Gunnar est victime de malaises, de saignements en sortant de son cockpit après son abandon sur rupture de boîte de vitesses. Il subit des examens qui révèleront plusieurs tumeurs au cerveau ainsi qu’au foie. Durant l’intersaison, le suédois se fait opérer, la presse parle d’hépatite. Lotus pour la saison suivante lui a préféré Peterson jugé plus rapide aussi Gunnar a t’il signé pour la nouvelle équipe Arrows, il ne courra pas. Le suédois se bat, avec une énergie surhumaine diront plus tard ses proches, contre un cancer qui prolifère malgré les traitements (chimio-cobalt) que ses médecins lui administrent. Au cours de l’été 78, la maladie lui offre une trêve, le pilote F.1 refait une apparition au GP d’Angleterre dans son ancienne équipe, montrant un corps secoué par le mal. Heureux de retrouver l’ambiance de la course, il masque sa souffrance et conjure le sort en annonçant que son cancer est en voie de rémission. Le crabe avait reculé pour mieux préparer une nouvelle offensive, fulgurante celle-ci. On le retrouve méconnaissable le 13 septembre 78 suivant le cercueil de son proche ami Ronnie Peterson fauché par une embolie graisseuse consécutive aux blessures subies lors de son accident du Grand Prix d’Italie. Gunnar, de sa chambre d’hôpital, émet le désir de créer une fondation de lutte contre le cancer pour aider les médecins à faire progresser la recherche, y consacre son énergie qui s’amenuise. En octobre, il s’éteindra à l’aube de sa trentième année. Gunnar sur son lit d’hôpital s’était voué jusqu’au dernier souffle à cette fondation que sa mère, Elisabeth, pérennisera et nommera « Gunnar Research Fund ».
SdS
Photos: DR