Départ de Mansell à l'issue de la saison 92, retraite d'Alain Prost fin 93, disparition de Senna en 94, la Formule 1 nous semble terriblement orpheline. A partir de 1995 notre motivation migre du côté des 24 H du Mans qui nous ont attirés sur le terrain depuis 1988...
Flash back...Septembre 68, ce dimanche-là mon frère m’emmène à la chasse, encore adolescent je fais office de porte carnier. Arrivés un peu avant 9 heures dans la ferme de l’oncle, nous entrons dans la grande salle où une vieille radio diffuse Europe un. Le poste marque les 9 coups de l’horloge, un flash annonce qu’un certain Henri Pescarolo sur sa Matra N° 24 remonte la Ford GT 40 de tête. De là est née ma passion pour cette course et le sport auto en général.
Décortiquer les revues, suivre les reportages radio ou télé, assez rares à cette époque fut longtemps mon lot mais je fis mon « baptême » sur le terrain lors des 1000 km de Paris en 71 à Montlhéry…Puis vinrent les Grands Prix à partir de 74…Enfin les 24 heures en 88.
Le circuit du Mans ne m’était pas étranger puisqu’en 1975 j’y vis sur le petit tracé du Bugatti des courses de Championnat de France puis ensuite les courses de formule 3000. Les 24 Heures évoquent une autre ambiance notamment par la portée mondiale de cette course. Attendre l’envolée de la meute sur le coup de 15 heures dans une atmosphère souvent lourde de veillée d’arme est une sensation émouvante. Ce presque silence après le passage du tour de chauffe concentre toute l’intensité du déchaînement des protos une fois l’effacement du pace car après la double chicane Ford . Le départ en épi, voitures devant les stands et pilotes bondissant, devait être très impressionnant aussi…
En 88 Jaguar (XJR 9) défia Porsche(962C), deux autos aux antipodes. Un aspect très compact avec un 12 cylindres atmosphérique pour l’anglaise, un certain embonpoint et un V6 Turbocompressé pour l’allemande. Un cri strident pour l’une, une voix rauque pour l’autre, robes mauve et blanche ou rouge et jaune.
Les Porsche bouclent en tête le premier tour façon formation d’honneur mais les Jaguar n’en entendent pas de cette oreille et suivent de prêt. D’ailleurs les allemandes doivent baisser le rythme pour « passer » en consommation et fiabilité. Les 50 premiers tours marquent un passionnant chassé-croisé entre la Porsche 17 de Stuck, Ludwig, Bell et la Jag 2 de Lammers, Dumfries, Wallace, ça ressemble à un Grand Prix ! A partir du 51è tour la Porsche 18 (Wolleck,Merwe,Schuppan) vient semer le trouble et s’empare de la tête en alternance avec la Jag 2 rapide et régulière, cela dure jusqu’au 152è tour lorsque l’allemande abandonne sur problème d’allumage. A la nuit tombée, on se contente du bruit et des faisceaux des phares sur fond de fête foraine qui bat son plein aux abords de la piste. Côté stands c’est bien éclairé et l’on peut admirer le ballet réglé des ravitaillements. Au petit matin la Jaguar n°2 a installé sa domination. La voiture anglaise au cours de la nuit a fait la différence, l’équipe va attendre comme nous de longues heures le passage aux deux tours d’horloge à l’affût d’un incident, mais aussi bien côté pilotes que mécanique ça tourne à la perfection pour la 2 qui franchit l’arrivée à la grande joie des fans britanniques. Stuck aura beau cravaché comme un malade pour tenter de faire son retard, il échouera à 2 minutes du vainqueur, moins d’un tour.
L’invasion de la ligne des stands par le public est encore une tradition à l’époque, admise par les organisateurs. Pour ponctuer cet événement nous nous baladons sur la pit lane et allons toucher la carrosserie encore chaude d’une Porsche 962 abandonnée par ses pilotes devant les box. C’est encore la fête une heure après le podium, certains sujets de sa gracieuse majesté pètent les plombs, ils courent dans la tenue d’ Adam drapeaux en main devant les stands…Poursuivis cependant par les pandores de la république française, scène burlesque !…Chocking Sir!
SdS
Photos : 1 © C.Chaine / 2 - 3 DR