En ce 21 juillet 73, un temps doux quoique nuageux accueille la grille de départ des 6H de Watkins Glen. Dans les faits il s’agit de la dernière épreuve du Championnat du Monde des Marques puisqu’on apprendra un peu plus tard que l’ultime épreuve prévue à Buenos Aires est annulée. Sur le circuit de Watkins Glen les protagonistes ne le savent bien sûr pas encore.
Cette course est donc décisive pour l’attribution du titre, Ferrari et Matra se tenant au collet. Rappelons que 8 points en faveur de la firme italienne séparent les deux « belligérants ». Ferrari concède le handicap d’avoir à décompter un résultat car l’écurie en dispose déjà de sept contre six pour Matra qui entrera la totalité des points acquis lors de cette course. Les données sont simples : si Ferrari gagne devant une Matra, la firme italienne est championne malgré son décompte de points. Si une Matra l’emporte devant une Ferrari, l’équipe française remporte le titre. Les deux Matra 670 monopolisent la première ligne. Beltoise-Cevert, crédités du meilleur temps des essais, côtoient la voiture sœur de Pescarolo-Larrousse, 1 sec 7 sépare les deux équipages. La deuxième ligne est rouge, elle est occupée par les Ferrari 312 PB de Merzario-Pace et Reutemann-Schenken. En troisième ligne, Ickx-Redman sont positionnés aux côtés de la Mirage Cosworth d’Hailwood-Watson. Suivent la seconde Mirage de Bell-Ganley ainsi qu’une Chevron B23 2 litres.
Les Matra, comme régulièrement cette saison, ont dominé les voitures italiennes sur le plan de la tenue de route. L’équilibre des 670 est optimal, les pilotes exploitent au mieux les qualités dynamiques de leur monture. Les Ferrari à la tendance sous vireuse mettent les pilotes à contribution. Ce défaut leur colle aux basques depuis le début de saison malgré les quelques progrès enregistrés dans ce domaine. Côté moteur, les deux V12 se valent, issus de ceux utilisés en F1, ils développent une puissance similaire.
Le départ est dominé par Jacky Ickx qui réalise une belle envolée, il est suivi comme son ombre par Cevert. Le pilote français le harcèle constamment. Cevert va cependant connaître une frayeur au 7ème tour lorsque le pilote belge doit ralentir brutalement, gêné par un pilote GT. La collision est inévitable, le Français a froissé l’avant de sa Matra. Au 12è tour, une légère touchette oblige la Mirage de Hailwood-Watson à un arrêt pour changer de capot. Cevert est contraint de s’arrêter au 13è tour pour réparer sa carrosserie et vérifier son train avant. Ickx va lui connaître une perte subite de rendement de son moteur si bien que Merzario sur la Ferrari prend la tête.
L’Italien se trouve maintenant dans la ligne de mire de la Matra de Larrousse.
Ce dernier fait le forcing et passe Merzario à la fin de la première demi-heure. Aux mains de Pescarolo qui a pris son relai, la Matra s’installe confortablement en tête. La Ferrari de Merzario-Pace va souffrir d’ennuis de frein, d’autre part une crevaison va retarder l’italienne qui rentre à petite vitesse au stand. Cevert et Beltoise victimes d’un allumage défaillant ouvrent la liste des abandons des autos de pointe. Les Ferrari décrochent, leurs freins usent anormalement les plaquettes, ce qui oblige à des arrêts plus longs que prévus. Reutemann-Schenken abandonnent sur défaillance d’alimentation. Les deux Ferrari restantes, incapables d’inquiéter la voiture bleue en tête de course, jouent placées. Elles finissent à respectivement 2 et 3 tours tandis que les Mirage qui connurent des ennuis de freins et d’alimentation passent la ligne en quatrième et cinquième position.
Pescarolo-Larrousse peuvent savourer leur triomphe sur le podium. Matra remporte sa cinquième victoire, Ferrari n’en totalise que deux mais grâce à ses nombreux classements dans les points la Scuderia n’échoue que pour 9 points au classement final du Championnat.
L’équipage Cevert-Beltoise a été régulièrement frappé par des ennuis les contraignant à l’abandon cette saison-là. Pescarolo-Larrousse furent eux épargnés et menèrent Matra au titre mondial. Le malheureux François Cevert se tuera au volant de sa Tyrrell sur ce même circuit aux essais du GP des Etats Unis deux mois et demi plus tard.
La saison d’endurance 1973 s’avéra particulièrement disputée et très suivie. Il est à noter que Porsche a remporté haut la main la catégorie GT tandis qu’en 2L Lola prend l’avantage sur Chevron. Lors de ces courses spectaculaires, les protagonistes en catégorie 3L, dont le niveau de compétitivité était proche, maintinrent l’indécision jusqu’au bout. Dotés d’une sonorité mécanique envoutante, véritables Formule 1 carrossées taillées pour le sprint, les prototypes 3L ne firent pas l’unanimité auprès de certains législateurs au sein de la Commission Sportive Internationale. La formule leur semblait trop éloignée de l’esprit «course d’endurance». Ce ne fut probablement pas l’avis du public qui fréquenta les circuits cette année-là.
SdS
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